Loin d'Hagondange
Un texte de : Jean-Paul Wenzel
Mise en scène : René-Marie Meignan
Distribution : Maud Vandenbergue
Antoine Amblard
Raphaëlle Diou
Décor : Clotilde Grelier
Durée : 1h40
Production : La Mer est ton Miroir
« Que reste-t-il d'étincelle humaine, c'est-à-dire de créativité possible, chez un être tiré du sommeil à six heures chaque matin, cahoté dans les trains de banlieue, assourdi par les fracas des machines, lessivé, bué par les cadences, les gestes privés de sens, le contrôle statique ? (...) De la force vive déchiquetée brutalement à la déchirure béante de la vieillesse, la vie craque de partout sous les coups du travail forcé. »
Raul Vaneigem, Traité du savoir-vivre à l'usage des jeunes générations.
« Ce n'est pas parce que je suis à la retraite que je vais m'arrêter... je ne suis pas mort encore. Vous voulez tous m'enterrer... j'aurais vécu tout cela pour rien... Le métal est réticent, mais moi je le vaincrai. Aucun n'a jamais résisté sous ma frappe... Si je meurs ce sera dans le fer. Fous le camp. »
Georges, Loin d'Hagondange, scène 11.
L'HISTOIRE
GEORGES, retraité, 68 ans.
MARIE, sa femme, 73 ans.
FRANÇOISE, représentante, 27 ans.
L'action se déroule dans une petite maison à la campagne.
Loin d'Hagondange ça veut dire loin de la ville, loin des hommes, loin de la vie (telle qu'on l'a connue). Trois ans qu'ils sont partis, et ils commencent aujourd'hui à en prendre conscience : Georges et Marie n'auraient jamais dû quitter Hagondange. Suite au départ en retraite de Georges, ils ont dû se dire : il est temps pour nous de redémarrer une nouvelle vie... mais ils ne savaient pas que prendre cette petite maison à la campagne, entourée d'une clôture et sur laquelle veille un noyer esseulé, c'était littéralement s'enterrer vivant. À l'image des corps vieillissants, tout dans la maison se délite, rien ne marche plus, tout est sur le point de finir. Alors, oui, ils se révoltent, ils essaient, ils s'occupent, lui bricole du mobilier dans son atelier, elle s'attèle aux tâches ménagères et maintient en vie un semblant de dialogue, ils se disent qu'ils ont tout le temps, que ça va aller, mais en fait il est déjà trop tard. Trop tard pour recommencer une nouvelle vie, trop tard pour rattraper le temps perdu. Alors, comme chaque jour le désir de vivre les dévore un peu plus, comme chaque jour ils ne peuvent que buter à nouveau sur leur impuissance à se révolter, alors ils deviennent tristes et fous, perdent l'élan de vie, voient s'envoler l'espoir. Loin d'Hagondange, c'est ça. C'est l'histoire d'un couple de retraités qui prend conscience de la fin et dont les tentatives de révoltes avortées les conduisent vers une fin plus amère et brutale encore.
« Trois ans. Pas un bruit, tu n'arriveras pas à rattraper le temps mon pauvre Georges. Nous n'aurions jamais dû quitter Hagondange. La campagne me pèse, toujours le même paysage immobile. Toi aussi, je le sens, tu vieillis, mon pauvre Georges. Le temps passe. (Elle chante doucement). Que sera sera demain n'est jamais bien loin,
que sera sera la la la »
Marie, Loin d'Hagondange, scène 3